Ce chapitre vous propose les sujets suivants :
Le 210° RI sacrifié à THELONNE
Témoignage de Germaine L’herbier Montagnon
Rapport d’Henri Michard
L’enfer du Mont Damion
Témoignage d’Etienne Le Gall
L’abbé Hubert au service des morts au combat
Martyrologue des populations frontalières en août 1914
21° RMVE – Levons le voile sur les étrangers de NOIRVAL (Ardennes) !
Connaissez-vous “la ligne du Führer “ ?
Le verrou des Cendrières
Le 210° RI sacrifié à THELONNE – Extrait du bulletin n°75, mai 2016
La rapide percée de Sedan reste imprégnée de mystère et tout n’a pas été dit. Tout le monde s’accorde pour considérer que les causes essentielles viennent du grand état-major. Il est établi que de nombreux avertissements ont été reçus en temps utile pour entraîner des réactions concernant la DCA, les antichars, la dotation en postes radio pour les liaisons fondamentales, la formation etc… Le 13 mai, l’introduction tardive de la 71ème Division d’Infanterie entre la 55° DI et la 3° DINA a totalement perturbé la défense face à Sedan. Les archives du 120° Régiment d’Infanterie sont éclairantes : pendant des mois on le promène de Mouzon à Chémery, Yoncq, Mont Saint Remy, Challerange. Changement de commandant le 18 avril : 3 semaines avant l’attaque (attendue!).
C’est le 13 mai (jour du passage de la Meuse) qu’il est affecté à la défense de Thelonne-Noyers, face à la Meuse de Bazeilles! La relève des unités de la 55° DI se fait sous les nuées de Stuka pourchassant tout ce qui bouge. Manque de véhicules, manque de motos, manque d’instruction militaire (plusieurs fois refusée), manque de moyens de communication modernes donc manque de liaison et d’information, manque de mines, manque d’outils, de fil barbelé… Pas d’ouvrages bétonnés, pas de tranchées…Un groupe de mitrailleuses (11° BM) est remplacé par un groupe de Fusils Mitrailleurs (efficacité moindre).
En fin de journée, alors qu’ils s’installent, ils voient la masse des troupes allemandes arriver de Bazeilles. Des blindés sont signalés sur la route de Vouziers dès 19h45. Mais les 3 bataillons du régiment ont en tout et pour tout 6 canons de 25 pour arrêter les chars ennemis… Le 14 mai, vers 10 h c’est l’attaque par blindés (chars et automitrailleuses) et par l’infanterie. Moyens de liaison avec le PC, avec les groupes d’artillerie ? Une moto, qui détruite, est remplacée par un vélo qui disparaît, puis par des coureurs que les Stuka prennent pour cible : rien de sérieux. Rien à manger non plus, aucun ravitaillement les 13 et 14…
Au cours de la matinée du 14 mai, le II° Bataillon fait face à 15 chars et une nuée de fantassins. Thelonne est assailli. Quasiment encerclées, nos troupes parviennent difficilement à se replier, puis à gagner les bois et à atteindre le point de ralliement Yoncq. Il ne reste que 19 hommes à la 6° Compagnie, 61 à la 7°, 113 à la 5°. Voici ce qu’écrit le Capitaine GABREAU, commandant ce II° Bataillon :
« Que le 2° bataillon du 120° RI ait été écrasé à la bataille de Thelonne, le haut commandement l’avait prévu, il est vrai. Le général HUNTZIGER n’avait-il pas, en effet, dans les premiers jours du mois de mai 40, lors de la deuxième séance de l’exercice de cadres qui s’est déroulé dans la région de Bulson, déclaré que ces premières positions ne pouvaient contenir l’attaque d’une Panzer Division, et de son côté, le général GRANDSART n’avait pas caché que les bataillons appelés à supporter le premier choc devraient être considérés comme sacrifiés, mais les combattants, eux, comptaient pouvoir arrêter
plus longtemps l’avance allemande, et ils eussent pu le faire s’ils ne s’étaient pas trouvés dans la lutte, abandonnés à leurs seuls moyens qui n’étaient même pas les moyens organiques dont l’unité aurait dû règlementairement disposer. Au surplus, les causes de l’écrasement en quelques heures de ce bataillon peuvent par ordre d’importance, être classées comme suit :1- Absence totale d’aviation amie
2- Manque de moyens antichars
3- Défaillance de l’artillerie
4- Attaques de nos postes par derrière
5- Organisation à peine ébauchée du terrain
6- Insuffisance d’effectif…Ancien combattant de 1914/1/18, j’atteste que les combattants de Thelonne ne pouvaient, dans cette lutte inégale qui opposait des poitrines à du matériel terrestre et volant, faire davantage et en 1914/1918, il n’a pas été fait mieux »
Que dire de plus et de mieux que ce témoignage montrant que les militaires de 1940 se sont battus et bien battus ?
Mais il reste une énigme : conscients de la situation, pourquoi ce sous-équipement volontaire ? Serait-ce pour ne pas retarder l’ennemi ?
Michel Baudier
LE PAYS DÉVASTÉ – Extrait de Disparus dans le ciel de Germaine L’HERBIER MONTAGNON
« Quand au printemps 1941 je vins enquêter dans ce pays, je le trouvai un des plus pitoyables de cette région massacrée.
D’ailleurs, depuis Le Chesne jusqu’à Stonne, tous les villages étaient mutilés et déserts. L’herbe commençait à pousser dans les couloirs des maisons. Des loques, restants de rideaux, flottaient parfois encore aux fenêtres ; un portait était accroché au mur, une couronne de mariée sur la cheminée, des débris de mobiliers demeurés suspendus dans des maisons dont la façade écroulée livrait l’intimité…
Aux Grandes Armoises, je me demandais vraiment à qui j’allais pouvoir m’adresser pour obtenir des renseignements sur l’avion POTEZ 63 que des rapports de gendarmerie m’avaient signalé abattu, lorsque je vis un homme, à l’air rustique, qui fumait sa pipe, assis sur une marche de sa maison récemment réparée….
– Vous tombez bien, je suis le maire allemand, me répondit-il…
Le maire voulut bien nous accompagner pour aller examiner en forêt l’avion abattu. Il siffla son chien, roula quelques sacs vides, les passa en bandoulière sur son dos.
De son pas de sanglier ardennais, il avançait rapidement sans s’occuper de nous. Il faisait chaud. Nous nous essoufflions à grimper les côtes, à ramper sous des branches, à nous agripper aux pierres, à franchir des ruisseaux. Nous glissions ; nos mains et nos visages étaient déchirés, nos genoux écorchés par des chutes fréquentes…
Enfin, l’avion écrasé nous apparut : c’était un bimoteur anglais, immatriculé K-9343.
Pas de sépultures dans le voisinage.
-Y’a pas de tombes, y’a jamais de tombes par ici ; on va chercher les morts, dit le maire.
Il écartait les branches et regardait le sol ; il remuait des ferrailles et des amas de feuilles…
– venez voir, en v’là un de vos aviateurs !
Le cadavre était là, couché. Il n’était plus qu’un squelette, miraculeusement respecté par les sangliers l’hiver et auquel adhéraient encore quelques morceaux d’uniforme de la R A F.
Vainement, je cherchais une pièce d’identité. Enfin, je trouvais une carte aéronautique, à demi calcinée,…… dans le coin gauche, en bas, la signature MOSELEY.
Je recueillais pieusement cette carte, pensant qu’en des temps plus humains, je pourrais transmettre à une famille en deuil cet inestimable trésor.
M le maire déroulait un sac,… y enfermait le cadavre et le fixait sur son dos.
Il avait l’habitude d’aller chercher les morts ainsi, ou de les ramener dans sa brouette.
Au fait, il avait raison : dans ce coin de forêt difficilement accessible, il ne pouvait être question d’apporter un cercueil : on avait déjà tant de mal à se tenir debout….
Nous vîmes M le Maire scier des planches pour faire une boîte. Seul alors au service de nos pauvres morts, il devait tout faire : les découvrir, les ramener, leur préparer un cercueil, creuser leur fosse… »
L’ENFER – Rapport de Henri MICHARD, lieutenant au II/147° RIF et inspecteur à Vouziers
« J’atteins le PC vers 10 h… le bombardement s’intensifie. Je sors du PC. Une vague de bombardiers lourds descend du Nord en formation serrée. Elle vire à angle droit au-dessus de Donchery et remonte la Meuse en fonçant droit sur nous. Les premières torpilles tombent au-delà de la route de Vouziers ; les suivantes sur Frénois, puis sur le Bois du Maire . Ce ne sont plus seulement des calibres moyens, mais aussi des 500 et 1000 Kg. Les sifflements et les éclatements se rapprochent. Ils atteignent le thalweg que nous surplombons… ils sont sur nous ! Chacun tend le dos, haletant, mâchoires serrées ; le terre tremble, semble se disloquer : 5 minutes terribles, les premières, que bien d’autres suivront… une 2ème vague arrive. Ce n’est que le début d’un bombardement méthodique que nous allons subir SIX heures durant ; aucun objectif ne semble particulièrement visé ; c’est toute la position qui est systématiquement pilonnée.
Le fracas des explosions maintenant domine tout…. Bruit hallucinant de la torpille dont le sifflement grossit, s’approche, se prolonge ; on se sent personnellement visé ; on attend les muscles raidis ; l’éclatement est une délivrance. Mais un autre, deux autres, dix autres… Les sifflements s’entrecroisent en un lacis sans déchirure ; les explosions se fondent en un bruit de tonnerre discontinu. Lorsqu’un instant son intensité diminue, on entend les respirations haletantes. Nous sommes là, immobiles, silencieux, le dos courbé, tassés sur nous-mêmes, la bouche ouverte pour ne pas avoir le tympan crevé. L’abri oscille. Les secousses font jouer les rondins qui laissent couler un peu de terre par leurs interstices.
Les bombes sont de tous les calibres. Les petites sont lâchées par paquet. Les grosses ne sifflent pas : en tombant, elles imitent à s’y méprendre le grondement d’un train qui s’approche. Par deux fois, j’ai de véritables hallucinations auditives : je suis dans une gare, un train arrive ; le fracas de l’explosion secoue ma torpeur et me ramène brutalement à la réalité.
Les Stukas se joignent aux bombardiers lourds. Le bruit de sirène de l’avion qui pique vrille l’oreille et met les nerfs à nu. Il vous prend envie de hurler….
20 minutes d’accalmie vers 14h… Une nouvelle vague arrive. Et le bombardement reprend et se prolonge deux heures encore, deux heures durant lesquelles nous restons là, affalés sur les bancs ou à même le sol, de plus en plus hébétés, de plus en plus enfoncés dans notre torpeur. Toutes les lignes téléphoniques sont coupées maintenant. Plus rien n’existe, hors notre peur et l’univers sonore des éclatements.
Vers 16 h, le bombardement diminue d’intensité. Les explosions s’espacent, s’individualisent. Les gros porteurs cèdent à peu près complètement le ciel aux Stukas. Au pilonnage régulier succède l’attaque de points précis ; mais ce sont les arrières surtout qui sont visés : Bulson, Chémery, Noyers, Cheveuges, pour autant qu’on puisse en juger. Nous nous levons péniblement et sortons du PC. J’ai l’impression de m’éveiller d’un rêve mais de ne pas parvenir malgré mes efforts surhumains, à retrouver une pleine conscience. Je suis à moitié sourd : j’entends comme à travers des épaisseurs d’eau qui étouffent les sons.
Plus rien n’existe, hors notre peur et l’univers sonore des éclatements… »
L’ENFER DU MONT DAMION – 17 mai 1940, 6° Cie du II/79
« Le II/79 doit repérer les positions de l’ennemi. Le matin, LA BESACE est l’enjeu de violents combats, puis à 13 h arrive l’ordre d’attaquer le Mont Damion.
C’est un jour magnifique. Le soleil inonde la campagne… Nous, la 6° Cie, nous avons à sécuriser le flanc gauche. Nous progressons dans un petit vallon…..voilà que cela commence : ratsch ! bumm ! bumm ! bumm ! Tout le monde avance par petits bonds. Nous atteignons la route…. une petite pause pour respirer…L’artillerie ennemie tire derrière nous, dans le vallon…Le capitaine fait signe de poursuivre. ..Un bois se trouve 50 m plus loin. Attention ! Tireurs dans les arbres ! crie un chef de section. Nous bondissons dans le bois en essayant de nous camoufler. Patsch ! patsch ! cela vient des tireurs dans les arbres…On ne les voit pas, on ne distingue aucun départ de coup.
Un obus éclate…Chacun cherche instinctivement à se protéger.
Pas de retard ! En avant ! D’un bond, nous sortons du bois et nous nous collons au sol ! Devant nous, c’est l’enfer ! Les obus éclatent, les mitrailleuses crépitent… Wumm ! Encore un obus devant nous qui nous embourbe le visage. Tous sont collés au sol qu’ils tentent de creuser. La bêche, jusque-là ustensile encombrant, est devenue sacrée. Et les obus pleuvent et les balles sifflent à nouveau…
Ici un cri ; là-bas, un qui se plie : ils s’effondrent… pauvres camarades ! Debout ! En avant ! pas 3 ou 5 m, non ! 40, 50 m ! Les mitrailleuses ennemies crépitent plus fort…Debout, agenouillés ou allongés, nous répliquons.
En un temps record, la 1 ère vague atteint la route au pied du Mont Damion.
Maintenant l’enfer est déchaîné ! Et nous n’avons aucun abri ! Nous sommes allongés en plein milieu de la cote 232. Venant des bâtiments d’une ferme devant nous et de la forêt à gauche, tombant des arbres, cela siffle de partout. Nous faisons feu de toutes nos armes. Nos mitrailleuses tiennent leur discours effréné.
Devant moi, deux braves camarades s’effondrent. Un tir d’artillerie anéantit les servants d’un mortier. Partout des cris : Brancardiers ! Au secours ! Nous en avons la chair de poule. Est-ce qu’un seul en sortira vivant ?
Il nous faut trouver une protection, sinon nous y resterons tous. Mais où trouver un abri ? Sur cet espace découvert, nous sommes livrés à l’ennemi sans défense. Nous glissons en arrière millimètre par millimètre. Après 30 m, nous sommes dans un petit vallon. La grande herbe nous cache à la vue mais pas plus. Les tirs ne ralentissent pas ! Nous voudrions nous enterrer en creusant avec les ongles…
Enfin notre artillerie entre en jeu. Nous allons pouvoir respirer ; elle bat les lisières de la forêt. Mais que se passe-t-il ? Après chaque impact, des appels puissants, déchirants et prolongés : Brancardiers ! Camarades, au secours ! À l’aide ! Des gémissements…Notre cœur éclate presque. La sueur sort par tous les pores de notre peau. Les tirs ennemis redoublent. Les brancardiers récupèrent les blessés au milieu de ces tirs. Wumm ! C’est un obus qui tombe près de nous. Un casque s’élève à la verticale. Mon dieu, est-ce notre fin ?
L’attaque s’arrête. L’ennemi s’est installé dans la bande de forêt derrière nous et tire sur nous de derrière. Aucun secours ne peut nous parvenir. Nous sommes encerclés. Et les hommes de la compagnie voisine gisent presque tous morts sur le pré. Derrière nous, La Besace est en feu. Nous retenons les camarades qui veulent s’enfuir.
Les pertes sont effrayantes ! Et c’est la même chose au III/79 ! C’est un horrible baptême du feu ! »
Témoignage du lieutenant Etienne LE GALL, vétérinaire au 43° Régiment d’Artillerie
Pendant sa captivité (22 juin 1940 – 28 octobre 1940), Étienne Le Gall a rédigé ce texte (non daté, d’archives familiales) pour rétablir ce qu’il appelle « la vérité historique ».
« Une mise au point : On s’inquiète dans les camps des prisonniers des Armées de l’Est d’un état d’esprit qui semble s’implanter en France, tendant à considérer comme des héros ceux qui ont pu se dégager tandis que ceux qui ont été faits prisonniers seraient des imbéciles ou des lâches.
Or c’est le contraire qui est la vérité historique, ceux qui ont fui (quelquefois par ordre, souvent par lâcheté) ont découvert de ce fait leurs camarades qui se sont battus jusqu’au bout, même encerclés, et qui n’ont été capturés qu’à bout de forces, de vivres et de munitions ; mais les absents ont toujours tort et les prisonniers ne sont pas là pour rétablir la vérité.
Les troupes qui ont pu arriver dans leur recul devant l’ennemi jusqu’à la zone non occupée doivent être souvent celles qui ont fui le plus vite en combattant le moins. D’après les renseignements fragmentaires reçus par les prisonniers, les camarades sur le sort desquels ils s’inquiétaient et qui ont fui jusqu’à l’intérieur sont glorifiés, même décorés, ce qui laisse entendre que le fait de s’échapper précipitamment du combat est une prime à l’honneur et non un acte justifiant sanction infamante.
Par contre le gouvernement se tait sur le sort des prisonniers de guerre ; ni un mot d’encouragement pour l’avenir, ni même une sollicitude quelconque pour les efforts passés. Rien sur leur libération. Aucun effort fait en vue d’améliorer leur situation matérielle (notamment, depuis le 22 juillet, les autorités militaires allemandes ont interdit jusqu’à nouvel ordre l’envoi par les prisonniers de toute correspondance).
Or, il faut le répéter bien haut, les troupes de l’armée de l’Est ont été placées dans une situation délicate par des ordres supérieurs (repli sur ordre à cause de l’effondrement du front de Champagne), ont été abandonnées à elles-mêmes et se sont battues avec héroïsme jusqu’à l’armistice. En ce qui concerne la IIe armée, les trois corps d’armée qui la composaient ont été abandonnés par le général commandant cette armée (général Freydenberg) et son état-major, qui n’a plus exercé de commandement réel depuis le début de la retraite exécutée par ordre. Il a fallu qu’un général de corps d’armée (général Flavigny) prît de sa propre initiative la responsabilité de la coordination des mouvements de ces trois corps d’armée.
Les troupes de ces trois corps d’armée qui, envoyées en haute Argonne, au sud de Sedan, pour arrêter l’ennemi, après franchissement de la Meuse le 13 mai, avaient exécuté cette mission au prix de contacts très durs, durant plusieurs semaines, se sont, durant la retraite aussi, dépensées sans compter et, malgré la perte des 4/5 de leur effectif, ont lutté jusqu’au bout sans jamais désespérer.
Si ces troupes sont aujourd’hui placées dans une situation qui paraît normalement ignominieuse (comme l’implique toujours le mot de prisonnier), c’est en raison des ordres supérieurs reçus.
Les prisonniers de guerre de l’armée de l’Est et de la IIe armée se réservent à leur retour de mettre hautement ces choses au point, de revendiquer dans la débâcle générale la part de gloire qui revient presque seulement à eux et de se présenter en accusateurs de certaines personnalités militaires.
Il y aurait intérêt à ce que le gouvernement, par la voie de la T.S.F. et de la presse, exprime devant tout le pays, à l’égard des prisonniers de guerre de ces armées, une attention qui ne devrait pas être neutre, mais au contraire pleine de reconnaissance. »
Une situation inédite dans notre histoire, un témoignage édifiant !
Des militaires, morts au Champ d’Honneur du 15 mai au 10 juin 1940, abandonnés sur place jusqu’en mai-juin 1941 (UN AN !!) par l’État Français qui ne cessait de les ridiculiser (fuyards, soiffards, couards, etc…).
Son Chef était le maréchal PETAIN, le secrétaire d’État à la Guerre était HUNTZIGER, leur ancien général
Extrait d’article paru dans le journal L’ARDENNAIS en 1949 :
L’abbé Hubert au service des morts au combat
L’abbé Marc HUBERT, curé doyen de Tourteron- né le 7 juillet 1902 à Charleville-Mézières- entré au grand séminaire de Reims en 1922- ordonné prêtre en 1927 – a été nommé économe de l’école apostolique du Waridon (Montcy Notre Dame) de 1927 à 1931, puis vicaire à Carignan de 1931 à 1936 et curé de Sauville de 1936 à 1945. Curé-doyen de Tourteron depuis 1945.
Dès mon retour, en janvier 1941, mon attention a été attirée par la présence de tombes disséminées au long des routes, dans les fossés, les champs, les bois, signalées par des ébauches de croix de bois, un casque, un fusil ou même sans autre indice qu’une terre fraichement remuée en forme de tumulus. Tous ces indices indiquant l’emplacement d’un corps risquaient de disparaitre rapidement par la coupe des bois, les fouilles des bêtes sauvages (sangliers, renards), le parcage du gros bétail, la remise en culture.
Le service de l’état militaire en était seulement à ses débuts d’organisation dans la zone interdite et manquait de main d’œuvre et de moyens matériels. Les rares habitants des communes et leurs maires provisoires n’avaient ni autorité, ni le temps, ni la compétence, ni l’emprise sur soi-même pour entreprendre le travail des exhumations délicat et répugnant1 à la nature. D’autre part, les lettres angoissées des familles sans nouvelles de leurs militaires depuis mai 1940 arrivaient de plus en plus nombreuses dans les mairies, chez les particuliers, demandaient qu’on cherche parmi les morts ceux que d’autre part elles espéraient encore vivants.
S’il fallait faire vite pour toutes ces raisons, il fallait faire bien aussi, car, en exhumant un corps, il était plus facile de mélanger à la terre ou de détruire les pièces d’identité que de les trouver, recueillir et déchiffrer.
Il m’est apparu dès le premier moment qu’enterrer dignement ces morts rentrait dans mon devoir sacerdotal et c’était aussi faire œuvre patriotique. Si je pouvais le faire, je devais le faire.
J’ai obtenu de l’État-Civil militaire des Ardennes, dès mars 1941, un ordre de mission pour exhumer, identifier, déposer dans un cercueil, ré-inhumer, regrouper en cimetières tous les corps situés dans les champs et les fosses communes d’un certain nombre de villages après entente avec les maires respectifs, d’où, au cours des quatre années d’occupation, j’ai effectué officiellement six cents exhumations et ré-inhumations dont j’ai transmis les procès-verbaux à l’État-Civil militaire des Ardennes. Ces opérations ont été effectuées sur quarante-cinq communes du centre et du sud des Ardennes.
Sur ces 600 exhumations, 418 concernaient des corps à relever, là où ils avaient été laissés sur le champ de bataille. Or j’ai pu en identifier 94%. Un tel pourcentage d’identification n’a pu être obtenu que par une volonté tendue d’obtenir un résultat. Il a fallu, pour un certain nombre de corps, une attention soutenue, une grande initiative, des démarches, des renseignements sur des regroupements afin d’arriver à une certitude non seulement morale mais formelle.
Quant au reste des exhumations, soit 182, que j’ai réalisées officiellement, ces opérations ont été ordonnées par l’État-Civil militaire pour contrôler le travail fait précédemment un peu partout afin de rechercher sur les inconnus quelques signes d’identité ; 10% ont pu être ainsi identifiés parmi ceux qui avaient été déclarés inconnus.
En dehors de ces travaux exécutés sur ordre de mission, j’ai effectué officieusement un grand nombre d’autres exhumations soit pour aider certains maires qui avaient entrepris dans leur commune ce même travail, soit pour permettre aux familles de reconnaître le corps des leurs (là où il restait un certain doute) ou pour déposer le corps dans le cercueil choisi par la famille.
Moyens d’exécution matériels et financiers
Je n’ai jamais eu qu’un seul homme à mon service pour tous ces travaux, condition nécessaire pour porter toute l’attention sur chaque corps et sauvegarder les indices d’identité. Ce qui signifie que souvent j’ai dû travailler la terre moi-même, prendre le corps de mes propres mains pour le sortir des fosses, porter avec mon seul homme tous les cercueils parfois sur de grandes distances. Travail pénible au début ; les corps étaient encore entiers et les vêtements imprégnés d’eau, travail répugnant vu l’état de décomposition, travail parfois dangereux car la pioche pouvait frapper sur des grenades se trouvant dans les vêtements du cadavre.
Dans les débuts, j’ai dû faire abattre des arbres, les transformer en planches, faire faire des cercueils et faire transporter ceux-ci à pied d’œuvre, parfois 25km.
J’ai pu me servir de mon auto pour mes déplacements personnels, mais toujours à mes frais.
Tous mes frais de main d’œuvre, de déplacement, de cercueils, de croix et d’inscription étaient à solder par moi. L’Etat Civil militaire avait un tarif minimum et maximum, alors que j’avais en plus tous les gros frais d’auto.
Constitution de cimetières et de carrés militaires
J’ai groupé les corps dans quelques cimetières communaux qu’il a fallu aménager en partie ou en totalité. En particulier, je suis le fondateur du cimetière militaire du Mont Dieu (195 tombes – et j’en ai assuré l’entretien jusqu’à mon changement de domicile en 1945).
Recherche de corps
Ce fut une préoccupation très grande et nécessitant une multitude d’heures de marche toujours pénibles et souvent infructueuses.
Toutes les tombes provisoires n’étaient pas signalées et dans les bois en particulier, il devenait de plus en plus difficile de les trouver. A cet effet, j’ai fait grouper les renseignements, me suis procuré des plans détaillés, fournis par les militaires survivants et ai consacré une grande partie de mes temps libres à la recherche de ces corps.
Souvent, j’ai fait moi-même ou fait faire des fouilles et je continue jusque cette année 1949, quand les plans me sont envoyés.
Dans les bois du Mont Dieu, il reste encore une vingtaine de corps à retrouver.
Renseignements aux familles
S’il appartenait aux services officiels d’avertir les familles de la découverte et de l’emplacement du corps des leurs, j’ai reçu un millier de lettres de familles demandant des renseignements et des précisions auxquelles j’eus à répondre en apportant quelque consolation. D’ailleurs les familles considéraient comme une garantie d’identification le fait de savoir que les leurs avaient été relevés par un prêtre.
Cependant, je me suis toujours abstenu, lors de l’inhumation de toute cérémonie religieuse par respect des opinions des familles et de leurs morts, sauf demande formelle des dites familles.
En résumé, pendant les quatre années d’occupation, j’ai consacré mon temps, mes forces physiques et morales et mes ressources à l’œuvre des militaires morts sur les champs de bataille des Ardennes.
Pour l’authenticité de mes déclarations, j’indique comme références :
– M REY, Inspecteur de l’Etat Civil militaire alors en résidence à Bar le Duc (Meuse)
– le chef de secteur et le personnel de l’État-Civil militaire des Ardennes à Charleville (Ardennes)
– le commandant FERON, délégué général pour les Ardennes du Souvenir Français demeurant à Voncq (Ardennes)
– M Michel FAUQUEUX 1 bis rue Clément Paris VIII°
– M FLON, président de l’amicale du 67° RI, 5 rue Pierre Cherrest, Neuilly sur Seine
– le général BERTIN BOUSSU, ancien commandant de la 3éme Division d’Infanterie Motorisée
– le colonel GALLINI ancien commandant du 14° GRCA, 27 boulevard Saint-Germain,
Paris 5°
– Mme LHERBIER, infirmière pilote de la Croix Rouge, 21 rue François 1er, Paris
– le colonel MARC, commandant la 3éme Brigade de Spahis de La Horgne, 32 rue des Vignes, Paris 16°
– le lieutenant BLARDA du 93°GRDI, 25 rue de Bordeaux, Périgueux (Dordogne)
– Messieurs les maires de toutes les communes où j’ai opéré
– des centaines de familles de disparus dont je puis fournir noms et adresses
Fait à Tourteron, le 28 février 1949
Marc HUBERT
PS : Marc Hubert avait été démobilisé le 14 juillet 1940
L’invasion de 1914 : MARTYROLOGUE de la population frontalière
« 95 % des Français ignorent totalement ce que fut ce martyrologue d’août 1914 …. Pourquoi avoir passé sous silence, en 1914-1918, les localités martyres, les multiples Oradour, tel Audun le Roman,Longuyon, Rouvres, Nomény, Gerbéviller, Fresnois la Montagne,Margny,etc…».
….« Les troupes assassinaient, pillaient et incendiaient sur ordres supérieurs. »…. « Des officiers suppléaient parfois les hommes hésitants et assassinaient eux-mêmes femmes et enfants »……. « ce fut le déchaînement brutal de toutes les violences : la fusillade, l’égorgement, le viol, l’incendie, le pillage effréné. Ce fut la fureur de la curée, telle que la voulait l’autorité suprême allemande pour terroriser l’adversaire et le contraindre à implorer la paix. »
La majorité des faits se sont produits entre le 20 et le 26 août 1914.
Une commission d’enquête a étudié ces faits dont le triste bilan concerne cent localités de l’Est : 7 000 immeubles incendiés – 4 600 fusillés et massacrés.
Des faits ignorés de beaucoup !
LONGUYON : Le 24 août : Immeubles incendiés – tirs sur les civils dans la rue, dans les maisons, dans les caves. Blessés jetés dans les flammes –
213 immeubles brûlés – 156 civils assassinés ou brûlés vifs. A la ferme de Moncel, des blessés (30 ou 40) sont traînés dans la cour, recouverts de paille et brûlés vifs.
hameau de Noërs incendié et tous ses habitants massacrés ( 14).
Bâtiment des Frères incendié avec tous ceux qui s’y trouvaient : 21 personnes.
Seuls rescapés, quelques personnes qui se sont cachées dans les jardins.
FRESNOIS la Montagne :
23 août : village totalement incendié (102 maisons) et tous les habitants présents massacrés (68 personnes).
ROUVRES
24 août 1914 – village incendié, les habitants qui fuient sont abattus ou rejetés dans les flammes ; les autres sont tués à bout portant, hachés à coups de sabre ( femmes éventrées, hommes décapités).
MARGNY
Combats entre les troupes du grand duc Albrecht de Wurtemberg et une division d’infanterie coloniale française autour de Neufchâteau en Belgique le 23 août.
Le 25, les troupes allemandes refluent sur Margny-Herbeuval. 18 personnes sont arrêtées et parquées dans un pré. Le 26, arrestation de tous les habitants restés au village ; 50 sont enfermés dans l’église, 16 hommes rejoignent les 18 arrêtés, 17 sont conduits dans la filature de Sainte Marie près de Margut, le reste est parqué en divers endroits sous bonne garde.
Tous les habitants doivent être exécutés : 430 personnes ! Elles attendent pendant 36 h pendant que le village est incendié. Finalement le grand duc au château d’Orval décide de fusiller 1/10 de la population soit 43 personnes : les 34 parquées (16 + 18) sont abattues . 9 autres sont amenées et abattues. Un rescapé a échappé au coup de grâce.
JARNY
25 août 1914 : 40 personnes assassinées entre le 10 et le 26 août. 22 immeubles incendiés dont l’église.
BAZAILLES
Village incendié – hommes rassemblés, parqués et fusillés : 25 Un bébé est étranglé dans son berceau par un soldat.
FILLIÈRES
Village incendié – civils présents tués
MONT SAINT MARTIN
Localité incendiée – habitants massacrés : 16 personnes
REHON
village incendié – 22 personnes fusillées
CHENIÈRES
Village incendié (100 maisons) 25 personnes fusillées, dont femmes et enfants
CUTRY
Village incendié – 7 hommes fusillés, les mains liées derrière le dos. Femmes et jeunes filles rassemblées dans une maison et violentées par la troupe sous la menace de baïonnettes
LANDRES
Assassinats- viols -incendies
SAINT PANCRÉ
Village incendié – civils abattus ou arrosées de pétrole et brûlés vives
GORCY
Civils rencontrés tués à l’arme blanche : sabre et lance
DONCOURT
Village incendié – toutes les personnes restées au pays assassinées
AUDUN le Roman
21 août : incendie de tous les immeubles avec des pastilles incendiaires et des torches : 400 maisons détruites. Tout civil rencontré est abattu : 14 personnes. 200 fuient vers Étain – 150 sont évacuées vers Crusnes par un officier allemand parlant le français.
GERBÉVILLER
24 août 1914 : 475 maisons incendiés – 64 personnes massacrées certaines(15) affreusement mutilées.
NOMÉNY
22 août 1914 : 75 habitants assassinés en quelques heures.
SOMMEILLES
Incendies massacres viols décapitation
TRIAUCOURT
Incendies massacres viols
CLERMONT en Argonne
226 maisons incendiées – pillage
la liste n’est pas exhaustive….
Extrait de : QUARANTE ANS APRÈS par Marcel SAVART S G de la confédération des déportés – internés et victimes civiles Guerre de 1914-1918 – Imprimerie Grandville NANCY 1958. Préface de Me Émile FOURNIER Conseiller Général de Meurthe et Moselle – ex Conseiller de la République – rapporteur des statuts Déportés au Sénat
Même phénomène en Belgique, pays neutre :
ARLON
13 août 1914 : mise à sac de 100 maisons – amende de 100 000 F – prise d’otages
FREYLANGE
Incendié
ETHE
Du 22 au 24 août 1914 : Incendié (300 maisons) – 277 habitants fusillés
TINTIGNY
22 août 1914 : incendie – massacres
extrait de 1914 : La cavalerie allemande en Gaume – Jean-Claude DELHEZ
Qui peut croire un instant que vingt ans plus tard, en mai 1940, ces horribles forfaits étaient oubliés ? La lecture de ce document permet de mieux comprendre la rapidité de l’exode des populations belges et du nord-est en mai 40,…exode qui a donné lieu à tant de remarques fielleuses !
21° RMVE – Levons le voile sur les étrangers de NOIRVAL (Ardennes) !
Ceux qui parcourent notre région très sobre situé au cœur du village de combattants étrangers du 21° RMVE Volontaires Etrangers) de mai-juin ont déjà remarqué ce monument Noirval. Il est consacré aux (Régiment de Marche des 1940.
Étranger : ce mot sent la poudre, aujourd’hui comme à cette époque : il évoque la chasse à l’homme, les camps, la misère.
En 1938-39, nombre d’exilés cherchaient refuge en France : les juifs persécutés d’Ukraine, de Pologne, de Hongrie, les républicains espagnols pourchassés par le dictateur Franco, les opposants à Hitler venant d’Allemagne, d’Autriche, de Tchéquie, nombre de victimes des régimes dictatoriaux soumettant une part de plus en plus grande d’Europe à leur système liberticide. La France était hélas gagnée par le même cancer: les décrets-lois de Daladier de 1938-39 réactionnaires, antisyndicaux, xénophobes, anticommunistes et antisémites étaient votées au prétexte de « remettre la France au travail », d’un soi-disant péril national et de l’obligation de préparer à la guerre. Tous ces expatriés venant de toute l’Europe étaient parqués dans d’infâmes camps déjà nommés « camps de concentration ». Un timbre vient de rappeler leur existence avec le camp des Mille.
Issus pour beaucoup de ces camps, nombre de ces étrangers s’engagèrent comme volontaires pour aider la France à combattre et vaincre le nazisme. Deux régiments furent formés : le 21° le 29 septembre 1939 et le 22° RMVE le 24 octobre 1939 (un 23° RMVE fut même constitué en mai 1940). Le 21° RMVE fut rattaché à la 35° Division d’Infanterie du général Decharme chargée de relever la 3° DIM sur le secteur Le Chesne-Oches à compter du 25 mai. Le 21° RMVE assurait la défense du secteur Le Chesne – Les Petites Armoises, le canal des Ardennes étant la frontière avec l’ennemi. La position n’était pas la plus facile : des terrains plats et humides appartenant à la vallée de la Bar ; en face l’ennemi posté sur des collines avec son artillerie et des possibilités d’observation inespérées.
Dans le climat général, ces volontaires étrangers étaient mal considérés : ils avaient reçu un habillement inadapté, capotes trop longues, lourdes, chaudes et incommodes pour la marche ; des fusils du siècle précédent, rouillés, sans bretelle. Ils durent la remplacer par de la ficelle d’où le nom de régiments-ficelles qui leur fut donné. Il manquait un grand nombre de ces armes. Les havresacs étaient remplacés par des morceaux de toile cirée ; la plupart des véhicules n’avaient aucun outillage pour réparer ; les motocyclettes venaient des rebuts ; cela explique que les fossés se sont peu à peu emplis de ces éléments inutiles et encombrants. La nourriture était lamentable, les popotes à Boult aux Bois (10 Km !), le chemin d’accès balayé par les tirs d’artillerie. Autant dire qu’elle n’arrivait que par hasard !
Pourtant ces hommes étaient d’authentiques résistants, la plupart fichés et recherchés par la Gestapo ce qui signifiait qu’ils seraient abattus en cas de prise.
Ils ont payé un lourd tribut lors de ces combats, surtout lors de la retraite car ils servaient souvent d’arrière-garde chargée de retarder l’avance ennemie : ce fut le cas à Sainte Menehould où ils perdirent 400 hommes dont 100 tués (400 bouches de moins à nourrir ! s’exclama leur général !!!). Partant de Noirval et des Petites Armoises, le régiment comptait environ 2 500 hommes ; ils n’étaient plus que 15OO à Passavant (après Ste Menehould) et 1 100 prisonniers à Metz !
Parmi les rescapés, beaucoup ont poursuivi leur action de résistance et occupé des responsabilités importantes par la suite. Non ! ce n’était pas les loqueteux et les lâches comme on a voulu les présenter ! En voici quelques exemples :
Boris HOLBAN (en réalité BRUHMAN) :
Né en Ukraine d’une famille juive russe. Son pays – la Bessarabie- fut attribué à la Roumanie en 
1919. Opposant pourchassé, il se réfugie en France en 1938 et s’engage en 1939 au 21° RMVE. Grâce à l’aide d’une religieuse de Metz, sœur Hélène, (qui a aidé de nombreux évadés dont F. Mitterrand), il gagne la région parisienne où il crée des groupes de résistance qui multiplient les actions (229 !). C’est le fondateur du réseau FTP-MOI (Francs Tireurs Partisans-Main d’œuvre Immigrée).
En juillet 1943 la direction des FTP veut davantage et le remplace par Manouche qui est arrêté par la police française en novembre 1943. HOLBAN est alors rappelé et reprend la direction des FTP-MOI jusqu’en août 1944. La guerre finie, il retourne en Roumanie et devient général. Mais Ceausescu le poursuit et le déchoit. Il revient alors en France en 1984. Il sera décoré de la Légion d’honneur sous l’Arc de Triomphe le 8 mai 1994.
Général MALLERET-JOINVILLE
C’est l’un des quatre généraux issus de la Résistance. Né à Paris, il adhère au parti communiste en 1937. Il est mobilisé au 21° RMVE, fait prisonnier le 23 juin en Lorraine. Il s’évade en 1942 et rejoint la Résistance à Limoges. Il devient chef de Région de la Résistance sous le nom de JOINVILLE ; d’Astier de la Vigerie est son supérieur hiérarchique.
Au moment de la naissance du MUR (Mouvements Unis de Résistance – fusion des trois mouvements Combat-Libération-Franc Tireur) il devient le chef du groupe Rhône-Alpes aidé par Marc Bloch.
Après l’arrestation du général de Jussieu, en mai 1944, il prend la tête de l’Etat-Major national des FFI et participe activement à la libération de Paris. La guerre terminée, il est élu député, vivement opposé à la guerre d’Algérie en 1958.
Hans HABE (en réalité Janos BEKESSY)
est né à Budapest en 1911. Ses parents quittent la Hongrie de Horthy en 1919 pour s’installer à Vienne. Janos Bekessy devient journaliste réputé et prend le nom de Hans HABE. Il devient correspondant à la Société Des Nations de Genève et directeur du journal viennois Der Morgen en 1934. Il doit quitter ce poste en 1935 et revient correspondant de presse à la SDN où il côtoie de nombreux responsables politiques. Il publie différents ouvrages (romans et témoignages). Sa vie sentimentale est très perturbée car il divorce à plusieurs reprises. Il séjourne en Bretagne début 1939 puis retourne à Genève avant de revenir à Paris en septembre.
La guerre éclate : il s’engage le18 octobre comme volontaire au 21° RMVE (Compagnie de commandement du 1° Bataillon). Il séjourne au camp de Barcarès. Fin avril 1940, le régiment est appelé en Alsace et le 25 mai dans les Ardennes pour tenir le canal des Ardennes du Chesne aux Petites Armoises.Il doit se replier sur ordre le 11 juin en passant par Monthois, Manre, Autry, Vienne la Ville et Sainte Menehould avant d’être encerclé avec toutes les unités du Nord-Est et fait prisonnier le 22 juin près de Charmes, alors que, chargé d’une pseudo-mission par son lieutenant, il tentait d’échapper à l’occupant.
Enregistré sous un faux nom et enfermé à Dieuze, Habe organise sa fuite le 7 août et après diverses aventures, gagne Annecy le 14 d’où il veut passer en Suisse. Mais, recherché par les nazis, il est refoulé. Grâce à un faux passeport, il atteint Lisbonne fin septembre où il apprend par la nièce d’Herriot qu’un passeport américain l’attend (comme d’autres antinazis notoires). Le 3 décembre 1940, il débarque à New York. Premier prisonnier évadé parvenu aux Etats-unis, il écrit en peu de temps son livre-témoignage OB TAUSEND FALLEN (titre allemand) qui, traduit en anglais, connaît un énorme succès (5 millions ex !). On en fait des films! Les Américains sont donc informés dès 1941 des combats de résistance de notre secteur !!
Il est enrôlé dans les services secrets de l’armée américaine.Après un passage à Oran et Alger en 1943 (interrogatoires des soldats de l’AfrikaKorps), il suit l’armée en Sicile, puis en Italie où, début octobre 1943, il réussit à rétablir rapidement le fonctionnement de Radio Naples. Promu lieutenant, il retourne brièvement aux Etats-unis pour former d’autres agents secrets puis rejoint la Grande- Bretagne. Débarqué en Normandie le 8 juin 1944, il participe fin août à la libération de Paris.
Il remet ensuite en fonctionnement radio Luxembourg le 24 octobre 1944 et sera pendant sept mois le responsable de cette radio de propagande américaine. Il est promu capitaine et reçoit la Croix de Guerre du Luxembourg.
En janvier 1945, il est chargé de relancer la presse allemande en zone américaine : il fonde 18 journaux! Sa vie sentimentale longtemps désordonnée finit par s’apaiser. Malgré ses succès de journalistes et d’écrivain, il sera souvent proche de la misère. Revenu en Suisse en 1954, il décède à Locarno en 1977.
Antoine BEILLE
aspirant au 21° RMVE. Grièvement blessé en mai 1940. 
Ce fut un résistant de la première heure qui reçut la plus haute distinction délivrée par Israël : Juste parmi les Justes. Il repose au Panthéon.
Colonel DEBUISSY commandant du 21° RMVE.
Le général Decharme désapprouve son esprit de résistance et le met en retraite d’office Il entra très vite dans la résistance et devint chef d’Etat-major de l’Armée Secrète en Roussillon. Il fut arrêté en 1942 par la Gestapo.
Léon de ROSEN
né à Stockholm d’un père diplomate à la Cour de Russie réfugié en France en 1917. Prisonnier à Metz, il s’évade grâce à la filière de sœur Hélène, gagne Londres puis Alger où il devient aide de camp du général GIRAUD.
En 1945, il refuse le grade de général qui lui est proposé et part aux Etats Unis. En 1950, il est Directeur adjoint de SIMCA jusqu’en 1961 (rachat par Chrysler). En 1966, il est PDG de Massey Fergusson.
Baron Georges RAVEL de BIENVILLE
du 3° Bataillon du 21° RMVE – déporté et mort à Mauthausen en 1944
Prince Nicolas OBOLENSKI
sous-lieutenant à la 3° Compagnie du 1er Bataillon du 21° RMVE
Guy COHN
Elevé par sa mère qui est actrice. De ce fait, il change souvent de lieu de résidence : Toulouse, Lille, Paris.
Engagé en 1915, il s’inscrit à Saint Cyr et sort aspirant. Il est affecté en Salonique où il est blessé. Mobilisé en 1939 au 21° RMVE, il est fait prisonnier puis est libéré quelque temps après.
Il dirige ensuite une usine textile.
Marius MAZIERS 
Aumonier au 21° RMVE, il est fait prisonnier et s’évade.
Il deviendra archevêque de Bordeaux en 1968 mais son attention pour le monde ouvrier l’empêche de devenir cardinal.
… des médecins (150 !), des acteurs, des musiciens, des tailleurs,… des gens de cœur et de conviction qui avaient compris le danger des théories nazies et avaient tout abandonné pour les combattre, au prix de leur vie ! Quelle leçon pour beaucoup de Français !
Ce modeste monument de NOIRVAL est en réalité un hommage aux antinazis de toute l’Europe, voire au-delà, engagés dans le combat contre Hitler en mai-juin 1940. Il porte, gravés dans le béton, leurs pays d’origine : Arméniens, Autrichiens, Belges, Bulgares, Chinois, Cubains, Danois, Egyptiens, Espagnols, Estoniens, Finlandais, Grecs, Haïtiens, Hongrois, Lithuaniens, Luxembourgeois, Mexicains, Monégasques, Palestiniens, Polonais, Portugais, Roumains, Russes, Tchèques, Turcs, Suédois, Suisses, Yougoslaves.
Nous avons une dette d’honneur envers eux !
Michel BAUDIER
aidé par le travail de Dr André BLITTE ardennais devenu Canadien
et sur la base des écrits de Hans HABE
Connaissez-vous “la ligne du Führer “ ?
Dès 1920 (déjà !), un courant d’études géographiques s’est développé en Allemagne dans le but d’organiser l’intégration culturelle (la germanisation) de la Belgique et de la France du Nord. Deux figures de proue se détachent : Franz Steinbach directeur de l’Institut d’Études rhénanes et président de la WestdeutscheForschungsGemeinschaft (WFG) de l’Université de Bonn et Franz Peri responsable de la germanisation culturelle de la Belgique et de la France du Nord. Leur but est de refonder la répartition des territoires sur la géographie (l’origine des sols) plus que sur l’histoire politique et diplomatique. Ces géographes et d’autres sont réunis dans la Westforschung qui organise maintes publications et colloques. Plus de 500 auteurs se mobilisent pour créer le dictionnaire de la germanité. L’un des centres est à Fribourg en Brisgau sous la direction de Friedrich Metz à partir de 1940. Ces mouvements intéressent au plus haut point les nazis avec lesquels se compromet ce Friedrich Metz.
Un document final définit le tracé de la ligne du Nord-Est : le mémorandum Stuckart. C’est un texte de 41 pages A4 remis au début de l’été 1940 à Hitler. Wilhelm Stuckart est le nom du secrétaire d’état au ministère de l’Intérieur. Il prévoit le détachement de la France d’un vaste espace au bénéfice de l’Allemagne. Le but est d’affaiblir durablement l’ennemi héréditaire et de ramener la France à ses frontières du XVII° siècle. C’est aussi la volonté de définir un espace d’expérimentation pour la création d’une marche germanique, le pays « thiois », glacis protecteur de la frontière occidentale allemande dans l’Europe de l’après-guerre, une fois la victoire nazie acquise.
Cette zone est répartie en divers secteurs : l’Alsace et la Moselle sont annexées au Reich ; le Nord et le Pas de Calais sont rattachés au gouvernement militaire de Bruxelles. Le département des Ardennes, sauf la partie au sud de la rivière Aisne est déclaré zone interdite. Le reste est en zones réservées (pays thiois) en vue d’implantations d’exploitants allemands.
Les Ardennes forment le cadre idéologique et administratif de l’implantation de la société Ostland (créée le 12 février 1940 avec un seul actionnaire : le Reich) par le truchement de sa direction régionale agricole : WOL III (WirtschaftsOberLeitung). Chargée de rationaliser l’utilisation des sols et des cultures, la WOL doit démontrer sur le terrain la supériorité des conceptions agricoles et sociales nazies. Le but est une colonisation agraire.
Elle est divisée en cinq directions régionales : LAON : WOL I (Somme + Aisne), CHARLEVILLE : WOL II (Ardennes), NANCY : WOL IV (Meuse, Meurthe et Moselle, Moselle, Vosges), DIJON : WOL V (Haute Marne, Doubs, Haute Saône, Jura).
La WOL fait main basse sur près de 132 000 ha, soit la moitié des terres agricoles du département des Ardennes en 1941. Elle emploie 18 000 personnes dont 5 000 exploitants, propriétaires contraints de travailler comme salariés sur leurs propres terres.
La rationalisation repose sur trois axes : la mécanisation, de nouveaux plans de mise en culture, la sélection des semences et l’usage accru d’engrais chimique.
Dans un rapport du préfet des Ardennes du 4 octobre 1945, l’évolution des terres exploitées par la WOL est la suivante :
– proportion stable de céréales : 35-37 000 ha
– augmentation importante des plantes sarclées : de 3 200 à 7 800 ha – explosion des plantes industrielles : lin et colza : de 860 à 2 800 ha – effondrement des jachères : de 7 600 à 1 140 ha.
Pas d’indications sur les rendements !
Extrait de la revue Mappemonde 132/2021 et du travail de Philippe MOYEN et de Jacques MIEVRE de l’Université de Nancy.(1973 – 2021).
Avec l’accord de Pétain à Montoire
L’existence, la définition de la zone interdite et sa mise en œuvre manifeste bien la volonté de Hitler de diminuer la France, de créer une zone tampon chargée de protéger l’Allemagne de toute tentative d’agression française. Hitler a réellement dépecé la France :
Zone occupée : 45 %
Zone libre : 45 %
Zone interdite : 10 %
Or on parle toujours de DEUX zones mais jamais de TROIS !
Pourquoi ? Ignorance ? honte ? Volonté de cacher la vérité ?
La création de cette zone interdite, en plus de l’intervention de l’Ostland qui a bouleversé toutes les communes agricoles ardennaises pendant quatre ans, a aussi totalement isolé la zone des combats où se trouvaient encore de nombreux corps de soldats morts laissés sur place. Impossible pour les familles de venir se recueillir sur les tombes des militaires inhumés en cimetières provisoires ou de participer à la recherche des corps ! Une situation dramatique, cruelle, incompréhensible ! Une situation qui a duré QUATRE ANS !!
Il est scandaleux que tout cela soit effacé de l’histoire officielle française depuis 82 ans ! QUATRE- VINGT-DEUX ans !!
Il faut saluer les efforts des chercheurs lorrains pour rechercher la vérité ! Ils honorent notre pays et ses traditions humanitaires ! Regrettons simplement leur rareté …
Mars 2022
Le verrou des CENDRIÈRES
Défendu par la 7° Compagnie du 67° Régiment d’Infanterie
Du 15 au 23 mai 1940
Synthèse des témoignages de divers participants réalisée par Michel BAUDIER
La 3° Division d’Infanterie Mobilisable séjourne dans la Marne aux alentours de Sermaize les Bains. Elle est alertée et envoie les différentes unités dans les Ardennes, dans le secteur de Stonne.
Mardi 14 mai : La 7° compagnie a été débarquée à la gare d’Autruche et doit rejoindre la ferme
des Cendrières.
Le lieutenant RENAUD et Jean CLOUET, son adjoint, partent en reconnaissance du terrain. Ils notent que le pré en face de la ferme, à droite de la route, est marécageux et subissent le mitraillage de deux avions ennemis.
Les hommes arrivent le soir, harassés, car nous sommes en mai et ils portent la capote et tout leur équipement. Ils s’installent.
La compagnie est composée de 4 sections de 40 voltigeurs et d’une section de commandement accompagnée d’une section de mitrailleuses de la C A B et de deux canons de 25 de la CRME. Cela représente entre 160 et 180 hommes. Le commandant de la 7° compagnie est le lieutenant Crambes*.
Un groupe de la 2° section s’installe dans un bâtiment en cours de construction, en bordure de la route, en arrivant. Ils organisent une chicane sur la route en face de la ferme. Les bâtiments de la ferme s’étendent à gauche, à environ 100 m de la route.
Le lieutenant GAGELIN commandant la 5° compagnie et le capitaine LEJEUNE, commandant du bataillon, sont débarqués le soir à Verpel. Ils en partent vers minuit avec Oches comme objectif, rendez-vous sur place à 8 h du matin.
Le rendez-vous est respecté. Après une petite pause, le départ est donné à 11h30 : objectif : le Mont Damion par La Berlière. Ils arrivent à la cote 326 (sommet du Mt Damion) à 15 h. et s’y installent ainsi que sur la croupe Nord. La 5° compagnie occupe le sommet, les 6° et 7° sont en couverture avancée. Il existe une ancienne maison de berger au sommet. La liaison avec les coloniaux de la 6° Division d’Infanterie Coloniale qui viennent d’arriver est recherchée dans le Bois du Franclieu.
Mercredi 15 mai :
À l’aube, arrive une troupe venant de La Besace pour prendre position dans le bois, en face de la ferme (groupe de coloniaux sans doute).
La 1° section avec le sous-lieutenant BES DE BERC s’installe près du chemin allant de la ferme vers le Bois de Raucourt ainsi qu’en descente vers les bois et bosquets au Nord/Nord-Ouest de la ferme.
La 2° section avec le sous-lieutenant RENAUD prend position dans le jardin de la ferme. Elle prend ainsi la route de La Besace en enfilade. Les groupes MARLIER et LEQUEUX sont en batterie au pied d’une haie, au N-NE de la ferme, bien camouflés dans des trous individuels.
La 3° section avec l’aspirant CHAMPAGNE en batterie entre les 1° et 2° sections, couvrant ainsi l’ensemble du pré et la contre-pente NE.
La 4° section avec l’adjudant-chef BOLL qui sera promu sous-lieutenant le 23 mai, est à gauche de la 1° section, avec deux groupes en batterie en bordure d’une ancienne carrière, entre les 1° et 6° sections. Elle comprend entre autres d’ETAT, le sergent BIERVOYE, le caporal-chef MARLIER, le caporal THIBOUT.
Le Poste de Commandement du lieutenant CRAMBES se situe dans une tranchée creusée dans un herbage en bordure droite du chemin qui monte, menant au Bois de Raucourt, parallèlement à la haie, à environ deux mètres. Un groupe de mortiers de 60 est à côté.
Deux chars sont en appui pendant deux jours, dont un devant la 2° section.
Dès leur arrivée, des éléments du GRDI sillonnent les alentours, en reconnaissance du terrain.
Au cours de la matinée, ils entendent le bruit des combats à la sortie Sud de Stonne, où est engagé le 1er bataillon du 67° RI. Ils déclenchent des tirs de mortier de 81 sur Stonne qui obtiennent des résultats appréciables. Par contre, la compagnie reçoit des tirs de harcèlement de l’artillerie allemande.
Vu cette activité, on s’attend à une attaque allemande dans l’après-midi. Pour être plus efficace, la 2° section avance ses positions dans l’herbage, vers la ligne de crête.*
Un avion anglais passe. Mais aucune attaque ne survient.
Au soir, on assiste au retour dans les positions initiales, au pied de la haie.
Jeudi 16 mai :
Dans la nuit, l’ennemi s’avance en différents endroits en lâchant des tirs de mitraillettes. Ils veulent que les Français ripostent et dévoilent ainsi leurs positions. Mais la consigne a été donnée et personne ne tire. À l’aube, ces aventuriers rentrent dans leurs positions. Mais dès qu’il fait jour, le mouchard est là, observant tous les mouvements en terrain découvert. Des bombardiers attaquent la ferme à plusieurs reprises.
Le groupe Birvoye de la 2° section, en position dans le corps de ferme, tire sur les avions avec un FM, surtout sur le mouchard, mais sans effet !
Le groupe Lequeux, plus éloigné des bâtiments, est moins concerné par ces attaques aériennes.
Pas mal d’animaux sont en liberté, surtout des vaches, le pis gonflé, qui voudraient être traites.
Elles s’approchent de temps en temps de la haie.
Dans l’écurie se trouvent deux chevaux et un chevreau un veau, dit Clouet.
A la jumelle, plusieurs observateurs remarquent que l’ennemi est très actif à l’arrière des lignes.
Il prépare sans doute une attaque.
Vendredi 17 mai :
Le temps est splendide, la chaleur accablante. Mais le mouchard qui est toujours là limite les allées et venues. Les animaux en liberté se rapprochent des haies où ont été creusées les positions individuelles.
Louis Levent précise que chaque soir, protégés par les tirs de 75 du 42° RA posté sur le Mont Damion, un groupe part poser 6 mines antichars sur le chemin qui mène à la départementale. Elles sont retirées chaque matin dans les mêmes conditions. Mais aucun véhicule blindé ennemi n’a jamais emprunté ce chemin, d’ailleurs aucun n’a été visible.
Des tirs d’artillerie ont lieu de temps à autre, abimant parfois les murs des bâtiments. Un obus ripe sur le pignon NE d’un de ces bâtiments et glisse sur le sol jusqu’à proximité du puits, sans éclater.
Le chevreau (ou le veau) est tué ; la dame et les cuisiniers en font un excellent repas avec des frites : tous se régalent !
Mais ce repas à peine terminé, une pluie de tirs de mortier s’abat sur le groupe Lequeux et le groupe Marlier voisin, de la 2° section. Chacun saute dans son trou. Ces tirs durent environ 20 minutes, l’aviation intervenant les 10 dernières minutes en mitraillant et en lâchant des bombes.
Des tirs d’armes automatiques par rafales viennent de la crête herbue à cent mètres au-dessus. On regrette que les deux chars ne soient plus là ! Les Allemands avancent partout par bonds dans le bois de noisetiers triangulaire, près du coin de la haie, puis dans l’herbe, à découvert. Un 2ème FM est demandé au lieutenant Crambes.
Clouet et Auvré sautent alors de leurs trous, avec une réserve de grenades et commence alors une danse particulière : lancer d’une grenade offensive puis couché sur le sol et aussitôt lancer d’une grenade F1 et de nouveau à plat ventre. Cela dure plusieurs minutes. Les effets sont immédiats :
une dizaine d’ennemis sont allongés, morts ou hurlant de douleur.
Lequeux est hélas tué par des tirs ennemis.
Vers 15 h se produit une nouvelle attaque avec salves d’artillerie et progression de fantassins. Le sergent-chef VONVILLE, chargé du ravitaillement en munitions est blessé au pied ce qui provoque une interruption de l’approvisionnement : la 2° et la 3° sections sont à court de munitions. Ils quittent alors la haie et se rendent dans le bâtiment le plus proche.
Pendant ce temps, un groupe de l’adjudant-chef Bott fait le plein de munitions au PC du Bataillon et se place le long de la haie qui vient d’être en partie hachée par les tirs de mitraillettes. Ils repoussent rapidement une avance ennemie. La section Renaud les rejoint. Ils veulent éviter une infiltration ennemie en brisant leur élan. L’ennemi redescend vers la route, atteint les bosquets les plus bas, traverse la route et s’infiltre
dans les bois du Mont Damion. Mais Decouninck, le groupe Lamuray et le groupe Duclos créent un barrage infranchissable au Nord de la route de La Besace.
Dans la maison au bord du chemin, le sergent d’Etat avec sa 4° section restent calmes. Mais il a remarqué la manœuvre. Couvert par Decouninck et son FM, ainsi que les groupes Lequeux et Marlier, il monte avec 9 à 10 hommes dans le grenier. Chacun soulève légèrement une tuile, y passe le fusil et ajuste les cibles très vulnérables de cet endroit. Des nombreux Allemands sont tués ou blessés. L’attaque ralentit, hésite. Profitant de ce moment de désarroi, Renaud et d’Etat crient : « komm ! komm » ! Deux s’avancent, puis d’autres, puis beaucoup : c’est soudain une invasion d’Allemands qui se rendent. 60 ou 70 sont ainsi faits prisonniers…par 20 soldats français !
Les fusils et les équipements sont mis en tas. Comme il y a des Alsaciens-lorrains dans le groupe, ils en interrogent rapidement quelques-uns : ces derniers appartiennent au régiment Grossdeutschland.
Au cours de la vérification des masques à gaz, on constate que certains sont remplis de bijoux et de stylos, sans doute dérobés à Sedan…
A 17 h 30, la deuxième attaque a totalement échoué.
Une nouvelle tentative obtient les mêmes suites avec de nouveaux prisonniers.
Accompagné de 4 hommes, François d’Etat conduit tous les prisonniers au PC du Bataillon où le capitaine Lejeune est surpris de l’importance du groupe. D’Etat revient à la ferme alors que les 4 autres, accompagnés d’un gradé, les conduisent au PC du régiment.
Après quelques tirs de mitraillettes venant du bois d’où les Allemands se sont aventurés, tout se calme : les survivants se sont repliés.
On compte 5 morts à la compagnie, tous de la 2° section :
Sergent BAGUELIN-caporal-chef LEQUEUX-caporal THIERRY-caporal VB VIBERT –
GUEMAUD.(VB = lance grenades) AUVRE, blessé, a été évacué avec les autres blessés.
On compte 23 morts allemands devant la section Bes de Berc, 18 devant la section Champagne, 21 devant la section Bott, 36 devant la section Renaud : presque une centaine au total.
Cette attaque allemande a été faite par 3 compagnies, soit 12 groupes de 9 dont un sous-officier et un groupe de pionniers, le tout commandé par un capitaine et un lieutenant adjoint.**
Des contacts ont lieu avec des officiers du corps colonial en cours d’installation car les Sénégalais se sont dispersés au cours des bombardements et des attaques. Ils ont fait demi-tour et il faut les retrouver et les rassembler. C’est un terrible baptême du feu pour eux ! Rassemblés par leurs officiers et rassurés, ils reprendront leur installation dans le Bois de Franclieu.
Samedi 18 mai :
La nuit est étouffante : il y a même de l’orage.
On fait le bilan de l’attaque de la veille et on vérifie sur le terrain. Devant la 2° section sont allongés de nombreux morts, beaucoup dans le bois de noisetiers. Un se trouve près du trou de Crochemore, pulvérisé par un obus. En bordure du 2° bosquet se trouvent une vingtaine de morts.
À leur tête se trouve un commandant de compagnie, la tête éclatée, tenant un revolver d’une main et une serviette de l’autre. Cette serviette comprend les plans de leurs positions et de l’attaque, quelques pièces de monnaie, un carnet de marche et un compas avec les initiales RC. Près de lui, légèrement en arrière, se trouve la section de commandement littéralement massacrée avec poste de radio, appareils photos sophistiqués, etc… On compte ainsi près de cent morts allemands sur le secteur du point d’appui : 40 devant la 2° section, 21 serrés les uns contre les autres près d’un bosquet, entre les groupes Lequeux et Marlier.
On peut dire que ce 17 mai fut une dure journée !
Aucun combat n’a lieu ce samedi. Une patrouille ramène encore 6 à 7 prisonniers qui vont rejoindre les autres.
Dimanche 19 mai :
C’est une journée de répit.
Le groupe BIRVOYE avait disparu car des tirs de mortier avaient atteint leurs emplacements et pulvérisé les balles de paille qui les camouflaient. Tous ont couru au bâtiment voisin pour se mettre à l’abri dans la cave où se trouvait déjà la bonne dame restée à la ferme.
Des compléments de munitions sont répartis à chaque groupe sous la surveillance de l’éternel mouchard toujours présent. On récupère un Allemand perdu dans le bois de l’autre côté de la route.
Il est fait prisonnier et rejoint ses collègues**.
Quelques tirs d’artillerie tombent sur le secteur.
Lundi 20 mai :
C’est une journée calme mais le mouchard survole toujours la ferme. Des patrouilles sont envoyées dans toutes les directions pour éviter de se laisser surprendre. Chacun réaménage sa position ; à part un ou deux endroits, il n’existe pas de liaison entre les positions individuelles.
Selon Louis LEVENT, une demande de trêve est faite l’après-midi par les Allemands pour ramasser les morts et les blessés. Elle est accordée pour une heure.
Mardi 21 mai :
Des tirs de gros calibres, assez précis, surviennent en fin d’après-midi et pulvérisent la haie entre la 2° et 3° section ; il n’y a plus que des tas de terre et des cratères d’obus. Ils provoquent des éboulements dans les trous individuels. On se prépare à une attaque. Les trous sont remis en état ; l’armement est complété. Chacun est sur le qui-vive.
Vers 11h du soir, des Allemands arrivent en tirant des rafales de mitraillette ; ils s’approchent jusqu’à une centaine de mètres espérant des ripostes qui dévoileraient les positions. Mais les consignes sont respectées : aucun tir ne part de nos lignes. Et l’aube arrive fera taire les mitraillettes ennemies.
Il fait une chaleur accablante et les cadavres en décomposition, hommes et bêtes, créent une atmosphère irrespirable.
Mercredi 22 mai :
Le sergent-chef VONVILLE est évacué. Des remaniements sont effectués dans le
commandement : CLOUET est nommé adjudant de ravitaillement (munitions). Le sous-lieutenant CHAMPAGNE devient commandant de la 2° Section car le lieutenant RENAUD remplace le lieutenant CUNY, tué, à la tête de la 6° Compagnie (il sera mortellement blessé le lendemain).
CLOUET rejoint son nouveau quartier : le dépôt de munitions.
A midi, avec son bon camarade Gérard FLAVIGNY, ils mangent du poulet et des frites avec la bonne dame qui a tout préparé. (Gérard Flavigny est le fils du général Flavigny, commandant du 21° Corps d’Armée. Il sera porté disparu le lendemain 23 et son corps n’a jamais été retrouvé.)
L’après-midi, CLOUET rend visite à la 4° Section où BOTT vient d’être nommé sous-lieutenant.
Vers 11 h arrivent des obus, un par un, répartis sur l’ensemble du secteur.
Au bataillon, secteur des transmissions, des Alsaciens écoutent avec un ER40 (radio émetteur) et localisent un émetteur ennemi qui transmet en clair. Ils entendent qu’une grande offensive est prévue pour le lendemain, à l’aube, avec des moyens importants. Le but est d’enfoncer le front de part et d’autre de Stonne.
Vers 20 h 30, le Capitaine LEJEUNE, chef du Bataillon, appelle le sergent comptable PRETROT, détaché au Bataillon, qui accompagne souvent la chenillette. Il lui remet un message écrit pour le lieutenant CRAMBES. Au retour, ce dernier prépare une liste de munitions à livrer au cours de la nuit et se plaint du manque d’effectifs prêts à combattre.
Compte-tenu des morts et des blessés évacués régulièrement et du manque de renfort, il y avait alors entre 70 et 90 hommes au point d’appui de la ferme des Cendrières.
Les munitions sont préparées par le sergent-chef CAPLET et la chenillette les apporte avec de la nourriture et du courrier. Au soir, on assiste au retour de quelques permissionnaires dont le sergent Serge BOITELLE. Quelques obus tombent çà et là. Soudain Boitelle se redresse et dit « voilà les chars ! ». Il s ‘agissait de la chenillette qui apportait les munitions, de la nourriture et un petit sac de courrier.
Dehors, règne un épais brouillard : ils se rendent bientôt compte qu’il s’agit de fumée artificielle venant de tirs de fumigènes.
Au cours de la nuit, un appel téléphonique confirme qu’un dernier message capté annonce une grande attaque pour le lendemain.
Au cours de la nuit se déclenchent des tirs d’artillerie sur la ferme qui s’intensifient au fil du temps.
Louis LEVENT précise que l’artillerie se replie du Mont Damion.
Jeudi 23 mai :
A l’aube, c’est un crépitement continu d’armes automatiques ennemies accompagné des cris des assaillants.
Dans l’obscurité artificielle, les combattants ne voient pas à deux mètres. L’ennemi est entré partout dans le dispositif. Le lieutenant Bes de Berc est tué dès le début de l’attaque.
La défense du dépôt de munitions est rapidement organisée. C’est un combat à la grenade, les Français dedans, l’ennemi à l’extérieur. Un début d’incendie démarre au rez-de-chaussée. Les Allemands lancent des grenades sur les caisses de munitions qui finissent par s’allumer et c’est l’explosion. Les défenseurs sont projetés dans la charpente et retombent où ils peuvent. Il se retrouve sur un mur, avec Lamy, à plusieurs mètres de hauteur. Ils sautent alors sur le sol, à l’abri des regards ennemis et gagnent un bâtiment où ils retrouvent le sous-lieutenant Champagne avec onze hommes de son groupe et deux de la section de commandement. 7 montent à l’étage et 7 restent au rez-de-chaussée. Mais l’ennemi a déjà atteint la porte en lançant des rafales de mitraillettes. Deux Allemands explorent le rez-de-chaussée. Clouet, à l’étage, laisse tomber une grenade au pied des deux fantassins. Il reçoit alors une, deux, trois grenades à manche auxquelles il échappe. Le rez-de-chaussée est en feu. Ils tirent en permanence sur des ennemis visibles, mais bientôt, ils n’ont plus de munitions. Ils descendent alors à la cave et s’enferment. Mais bientôt, des coups sourds résonnent
sur la porte et ils entendent leur camarade Elmosnino leur crier de ne pas tirer. Il est déjà prisonnier et les attaquants s’en servent pour faire arrêter le combat. La porte est enfoncée et le groupe sort, les mains en l’air, entre deux rangées d’ennemis.
Deux ennemis ont descendu le chemin en bordure de la haie. La tranchée-PC est à quelques mètres en arrière avec le lieutenant Crambes et 8 hommes. Un coup de fusil part : les deux Allemands bondissent de surprise. L’un extrait Lechevallier de la tranchée et lui botte les fesses. Le second lâche des rafales de mitraillette sur les autres, dont le lieutenant Crambes***, qui lèvent pourtant les mains. « Nicht Kameraden ! » lâche-t-il en tirant. (confirmation par Lechevallier et par Kirchbaum
rapporté par Bertin de Nouzonville).
Clouet a été blessé et il peine à marcher. François d’Etat et un autre camarade l’aident à se rendre sur le chemin puis sur la route de La Besace et Raucourt. Ils sont une vingtaine dont les sous-lieutenants Champagne et Bott, 7 ou 8 sous-officiers et l’adjudant Diot. Leur camarade Akian est totalement éventré mais il vit encore. Ils le mettent dans une brouette de la ferme et l’emmènent avec le groupe. Les blessés sont conduits en voiture tout terrain. Ils sont conduits à Sedan, puis à Arlon en Belgique où ils seront soignés. Ce groupe gagne la gendarmerie de Raucourt où chacun est
interrogé. Akian meurt dans la soirée. Derrière cette petite troupe suivait la bonne vieille des Cendrières, un panier d’osier noir à la main.
Le PC du bataillon qui se trouvait quelques centaines de mètres plus loin, vers La Berlière, a dû se déplacer ; les munitions s’épuisent. La Berlière est déjà occupé. Or c’est le seul chemin de repli.
Pour tenter de passer, les rescapés avancent en courant et en tirant de toutes parts avec les fusils mitrailleurs qui leur restent. Certains parviennent à passer mais d’autres tombent sous les tirs ennemis.
Ernst BANGE, un officier allemand souvent venu sur place après 1962 a raconté cette attaque :
Le 21 mai, il avait assisté à un combat aérien au-dessus de la forêt : un avion français avait abattuun avion allemand qui est tombé sur le Mont Damion.
Le 23 mai, c’est la 7° compagnie de l’IR 60 (Régiment d’Infanterie) qui est chargée de l’attaque avec une section de Pionniers commandée par le lieutenant Bergmann, commandant le bataillon de Pionniers de la 16° division. Bange y est joint avec une section de 5 mitrailleuses lourdes et une section de la 5° compagnie de l’IR 60.
Quand il arrive près de la ferme, au pied du mont Damion, il découvre le lieutenant Bergmann gisant dans le fossé, blessé. Ce dernier lui expose qu’il y a trop de tués et qu’il faudrait arrêter l’attaque de la ferme. Mais laisser ce point d’appui aux mains des Français, c’était prendre un grand risque car les premières lignes avaient déjà atteint l’entrée de La Berlière. Une concertation a lieu entre Bange, le lieutenant Bergmann et le lieutenant Thissen (5/60° IR). Ils décident finalement de poursuivre l’attaque et de régler cet épineux problème. Ils s’approchent de la ferme pour examiner les conditions de l’attaque et parviennent jusqu’au fossé muni de fils barbelés. Un feu assez dense
les accueille et Thissen est blessé. Bange se retrouve donc seul avec ses mitrailleuses et les mortiers de la 5/60° IR. Il décide d’attaquer la ferme en tenailles. De nouvelles pertes surviennent mais quand le dépôt de munitions explose, la solution est toute trouvée : plus de munitions, plus de combattants !
Au soir de ce 23 mai, il reçoit la Eiserne Kreuz II pour la prise de la ferme.
Ernst Bange a souvent parcouru les restes de la ferme et les alentours avec Clouet et d’autres survivants. Un rescapé, Serge Boitelle de Soissons, a d’ailleurs retrouvé l’Allemand qui l’avait fait prisonnier, Saborowski. D’autres l’ont accompagné, accréditant ce qu’il déclarait.
Ah ! qu’il y avait des souvenirs à évoquer pour tous ces rescapés !!
* témoignage de Jean CLOUET
** extraits du rapport CRAMBES rédigé à la demande du Chef de Bataillon.
*** Les corps de ces courageux fusillés à bout portant ont dû rester au fond de la tranchée, peu à peu recouverts par les feuilles à l’automne et par les éboulis de terre ; Ils ne sont retrouvés qu’en juillet 1941. Des Sénégalais sont chargés de les dégager. L’un d’eux a dû remarquer l’officier. Il a vidé ses poches, selon les règles et a mis le contenu
dans un sachet au nom de Crambes, mais il y avait aussi des papiers : il les a subrepticement glissés dans une de ses poches. Le groupe retournait le soir au château de Sedan, lieu de leur captivité. Il a recherché des camarades de Crambes : Gagelin s’est présenté. Il lui a remis les papiers à l’écart des autres. Gagelin les a fait parvenir à Madame Crambes. Heureusement que la camaraderie n’était pas un vain mot ! Il s’agissait bien du rapport demandé par le commandant de bataillon.
