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Le chambardement permanent
La percée
Vent de terreur généralisé
Le chambardement permanent
Chambardement permanent à la 55° DI : source de confusion
Le secteur de SEDAN comprenait 3 sous-secteurs avec chacun 1 régiment ; chaque sous-secteur, 3 quartiers (1 bataillon) et chaque quartier , 3 centres de résistance (1 compagnie ), chaque centre de résistance, 4 centres d’appui (1section).
Les militaires assumaient des missions variées : construction, aide aux travaux agricoles, instruction. Le groupe qui sortait d’une mission allait remplacer le groupe qui arrivait , quelque soit son unité d’origine. On quittait ainsi un secteur connu pour revenir dans un secteur inconnu. C’était le principe de rotation. Il en ressortait un mélange des unités assez étonnant : exemple à Torcy : la 6ème compagnie du IIème bataillon du 295°RI comprend des militaires venant de 4 compagnies différentes issues de 3 bataillons et de 3 régiments… source de confusion, évidemment!
Changements en pleine attaque : une décision malvenue
La 55ème DI tenait de la Bar à Remilly ; venait ensuite la 3ème DINA de Remilly à la Ferté.
Le 10 mai au soir, ordre est donné à la 71ème DI (en réserve) d’occuper le secteur Pont-Maugis – Mouzon, bousculant ainsi les positions des 55èmes et 3èmes DINA.
Le mouvement se fit les 12 et 13 mai : on quitte un secteur bien connu pour arriver dans un secteur inconnu… en pleine attaque allemande, sous un déluge de bombes. L’efficacité de la défense est évidemment amoindrie!
La percée
Guderian agit méthodiquement et veut écraser toute résistance. Des vagues d’avions se succèdent presque sans interruption de 8h à 15h larguant leurs bombes dans le bruit de leurs sirènes, détruisant les lignes téléphoniques, visant les positions de l’artillerie française à l’arrière. C’est le bombardement le plus massif de la campagne : 1500 bombardiers et chasseurs en continu.
À 15h, les canots pneumatiques s’élancent sur la meuse et après plusieurs tentatives finissent par prendre pied sur la rive gauche du fleuve, à Gaulier (1°Pz), au Pont Neuf (Grossdeutschland). Ils passent à la nage, non loin de la gare (10°Pz). La 2°Pz échoue à Donchery. Ces petits groupes vont de la Boulette à Cheveuges vers minuit. Le génie commence aussitôt la construction de ponts provisoires. Celui de Gaulier sera le premier opérationnel. Mais plusieurs groupes résistent en forêt malgré leur isolement; Ils rejoindront les lignes le lendemain.
Cette atmosphère d’apocalypse provoque cependant la panique chez certains éléments, notamment dans un groupe d’artillerie près de Bulson.
Au soir du 13 mai, la Meuse est franchie, mais pas un seul char n’est passé. La situation est précaire.
Vent de terreur généralisé
13 Mai : L’enfer au sud de la Meuse à Sedan
Un bombardement aérien terrifiant
Témoignage : « Le fracas des explosions maintenant domine tout. Plus une autre sensation n’existe. Bruit hallucinant de la torpille dont le sifflement grossit, s’approche, se prolonge, on se sent personnellement visé; on attend, les muscles raidis ; l’éclatement est une délivrance. Mais un autre, deux autres, dix autres… Les sifflements s’entrecroisent en un lacis sans déchirure, les explosions se fondent en un bruit de tonnerre indiscontinu. Lorsqu’un instant son intensité diminue, on entend les respirations haletantes. Nous sommes là, immobiles, silencieux, le dos courbé, tassés sur nous-mêmes, la bouche ouverte pour ne pas avoir le tympan crevé. L’abri oscille. Les secousses font jouer les rondins qui laissent couler un peu de terre par leurs interstices. La porte de tôle s’ouvre et claque violemment à chaque souffle. Un homme, affalé tout contre, la referme d’un geste mécanique. Les bombes sont de tous les calibres. Les petites sont lachées par paquets. Les grosses ne sifflent pas : en tombant elles imitent à s’y méprendre le grondement d’un train qui s’approche. Par deux fois, j’ai de véritables hallucinations auditives : je suis dans une gare, un train arrive ; le fracas de l’explosion secoue ma torpeur et me ramène brutalement à la réalité. Les stukas se joignent aux bombardiers lourds. Le bruit de sirène de l’avion qui pique me vrille l’oreille et met les nerfs à nu. Il vous prend envie de hurler. »
Henri MICHARD
Lt au 147° RIF-E-M du II° Bataillon (Cne CARRIBOU)
Inspecteur primaire à Vouziers
Cet enfer a duré 6 heures : de 8/9h à 15h. De 15h à 16h30, c’est le pilonnage des positions arrières : Bulson – Noyers – Chémery.
L’exode
1940, c’est 22 ans après 1918, année de la libération des Ardennes, seul département TOTALEMENT occupé et pratiquement ANNEXÉ par l’empire allemand. Les souvenirs amers de l’invasion et de cette occupation sont encore tout frais dans les mémoires. Un plan d’évacuation avait été étudié. Le département des Deux Sèvres était chargé d’accueillir les Ardennais. Des responsables de la Défense Passive existaient dans les villes, chargés de canaliser l’évacuation de la population.
L’orde d’évacuer arrive le 11 à Sedan et dans toutes les communes au nord de la Meuse. Les gens partent en autobus, camion, auto, moto, bicycette, voiture à cheval, avec une brouette, une voiture d’enfant, à pied…avec du bétail…
Les routes s’emplissent des populations qui fuient, apeurées par les avions à croix noire qui mitraillent et bombardent les gares et carrefours… et dans le bruit des tirs de l’artillerie lourde française. Des navettes sont organisées à Sedan pour transporter le maximum de gens au-délà de Chémery – Vendresse – Tourteron. Elles croisent des convois militaires de chars et d’infanterie qui montent en ligne. Les réfugiés belges affluent. Des maisons brûlent. Les gares sont bombardées : il faut sans cesse aller plus loin : Amagne, Attigny, Voncq, Vandy, Manre…
Et il faut de l’essence pour les camions, de la nourriture pour tout ce peuple… C’est un tohu-bohu indescriptible!
Débandade – Panique
Dans l’après-midi du 13 mai, le responsable adjoint de la Défense Passive de Sedan allant de Tourteron à Chagny note: « de nombreuses voitures militaires archi-combles filaient plein gaz, au milieu des réfugiés, me criant : « Faîtes demi-tour, n’allez pas plus loin ! les Boches arrivent » et, comme j’insistais, d’autres me répondaient : »ne discutez pas ! faites ce qu’on vous dit ! demi-tour ! » J’ai insisté tout de même et je n’ai pas vu les Boches. » – Annales sedannaises n°6
Dans l’après-midi du 14 mai, on devine que partout les nerfs sont à bout dans cette marée humaine. Vers 18h, se développe un vent de panique sur la route de Bulson à Maisoncelle : on dit que des chars arrivent de la Marfée sur Chaumont et Bulson… On a vu des lueurs de départs de coups… ou d’explosion… Peu importe : le bruit se répand, la foule grossit… on abandonne tout et on fuit sur la petite route. Le commandant de l’artillerie lourde alerté à son PC de FLaba donne l’ordre de repli immédiat, sans rien vérifier. Les artilleurs sabotent leurs pièces trop bien ancrées dans leurs positions et filent avec attelages et caissons. Des officiers d’EM tentent de s’interposer au PC de Fond Dagot, mais en vain. Il finissent d’ailleurs par suivre le mouvement et les téléphonistes détruisent les central téléphonique avant de quitter les lieux.
« Des centaines, un millier d’hommes peut-être, de toutes armes, sans paquetage, sans fusil, courant ou au pas accéléré, arrivaient sur la route, répétant sans cesse : « Foutez le camp ! Les Boches sont là ! Les chars arrivent ! il n’y a rien à faire ! nous sommes foutus ! nous sommes trahis ! ». Cela dura une heure, une demi-heure, un quart d’heure, peut-être plus, peut-être moins : l’évènement laissait incrédule.. » – Témoignage d’un officier du 331° RI en poste à Fond Dagot
Le 14 au matin, le secteur était réoccupé et combattait la poussée ennemie avec quelque succès. Certains artilleurs avaient d’ailleurs échappé à cette panique et s’étaient repliés sereinement sur MAISONCELLE et LE MONT DIEU d’où ils servirent d’appui aux troupes qui s’installaient (3° DIM). Cet évènement a fait les gros titres de certaines études lui donnant un retentissement exagéré à notre sens. Un simple contact radio aurait permis de vérifier ce bruit puisqu’il y avait toujours des unités en place, mais c’était totalement INTERDIT ! la méfiance régnait…
Haut de la pageLire la suite : 14 mai le jour décisif